Chers amis, 

Qu’il est difficile de faire, et qu’il est confortable et rassurant de se préparer à faire. J’ai parfois l’impression que je pourrais passer ma vie à la mettre en place.

La préparation nous donne le sentiment d’avancer tout en nous préservant des vertiges de l’acte. De là cette tentation de se lover dans le cocon du « pas encore ! », et de mettre ces reports au compte d’une heureuse minutie : « Si je commence pas maintenant, c’est pour le mieux ! ».

Notre conscience, friande d’histoires qui lui rendent hommage, ne balance guère longtemps à valider ce motif d’apparence honorable. 

La vérité, c’est que la manie préparatoire n’a d’autre effet que de borner tout projet à cette étape liminaire. Nous devenons ainsi d’interminables préparateurs, préparateurs de vide, artisans du possible, chevronnés experts de la production nulle. 

À quoi bon se préparer si c’est pour ne pas agir ? Selon toute vraisemblance, l’action imparfaite l’emporte encore sur l’imaginaire…

Cela fait un moment que je pense à lancer ma newsletter, et j’aurais pu l’entamer plus tôt, mais, vous l’aurez deviné, j’étais bloqué par l’idée têtue selon laquelle je n’étais pas encore prêt. Qu’attendais-je donc ? Bonne question. Probablement les Muses du mail et un concert d’encouragements.

Si j’étais resté dans cet état esprit, tout cela serait encore un « projet », une idée pudique en attente de son miracle.

J’ai donc décidé qu’il était temps d’arrêter de le prendre, et que je commencerais cette newsletter, quoique les circonstances ne correspondissent pas exactement à leur agencement rêvé.

« Prêt » ou non, je ferais.

Et à présent que je fais, je réalise que j’étais prêt…

« Être prêt » n’est peut-être en fin de compte qu’une lubie, le vœu secret d’une volonté qui, coïncidant avec l’acte, nous déchargerait de son poids.

C’est souvent l’appât de la perfection, couplé au doute, qui nous englue dans l’attente. Soit que l’on ne se suppose pas assez bon, soit que l’on se croie toujours capable de plus. L’action éloigne ces deux écueils. Elle apporte à l’incertain la confiance de l’exercice, à l’idéaliste le support de la terre ferme.

Au demeurant, il est des cas où le perfectionnisme est un leurre, une petite lâcheté qui se donne pour une ambition. Car c’est bien encore une fuite, une mise au lendemain du moment fatidique.

Faire ou ne pas être, on pourrait nommer ainsi l’alternative posée par ce conflit de l’idéal et de l’action. Inexister magnifiquement ou être, dans toute l’irrégularité que ce verbe suppose…

Je pourrais relire ce mail encore une fois, et une fois de plus, puis une fois encore… forger son éclat au sacrifice de sa réalité…

Ou je peux m’en tenir là, et faire.

En vous souhaitant une belle semaine,

À mercredi prochain,

Ralph